Interview d’Etienne LEJEUNE, Avocat Associé, dans PARIS NORMANDIE

 
 
 
Publié 19/09/2017 22:10
Mise à jour 21/09/2017 16:58
 

 

Social. Quel sort le nouveau gouvernement réserve-t-il au Conseil de prud’hommes ? Intervenant en droit du travail, l’avocat havrais Étienne Lejeune propose une lecture de la réforme du Code du travail.

Étienne Lejeune est avocat au barreau du Havre depuis janvier 2008. Membre du Conseil de l’ordre depuis 2014, il est associé au sein de la SCP Sagon Loevenbruck Lesieur Lejeune. Étienne Lejeune accompagne des entreprises (TPE/PME) depuis dix ans en droit du travail (conseil et contentieux). Il pose aujourd’hui un regard sur les points qui concernent la réforme du Conseil de prud’hommes.

 

Les salariés s’inquiètent de la poursuite de la réforme des prud’hommes enclenchée en 2015. La préférence donnée au règlement à l’amiable des litiges, le délai de recours après un licenciement limité à un an pour tous les types de licenciements et aujourd’hui le plafonnement des indemnités donnent-ils un « avantage » à l’employeur ?

Étienne Lejeune « Les inquiétudes des salariés sont compréhensibles. Mais il est essentiel de replacer le débat dans un cadre plus large : le monde change et les entreprises sont contraintes de s’adapter en permanence. La réforme leur reconnaît justement ce droit tout comme elle tend à reconnaître aux salariés un droit au mouvement sécurisé par un renforcement de la formation professionnelle et une réflexion avancée sur la possibilité pour un salarié démissionnaire de bénéficier du chômage alors qu’il n’y a pas droit aujourd’hui. Il est également prévu une hausse des indemnités de licenciement. Le volet procédural de la réforme s’inscrit dans ce même cadre. Le règlement amiable des litiges, qui est une tendance actuelle devant toutes les juridictions, offre de la visibilité aux salariés et aux entreprises. J’assiste au quotidien des TPE/PME devant le Conseil de prud’hommes et il m’arrive fréquemment de conclure un accord avec le salarié par le biais de son avocat. Ensuite pour ce qui est de la réduction du délai pour contester son licenciement de deux ans à un an, le débat est faussé. Dans l’écrasante majorité des cas, les salariés saisissent le Conseil de prud’hommes dans le délai d’un an. Sur ce point, la réforme ne va pas changer grand-chose et permet d’ailleurs une unification avec le régime applicable aux licenciements pour motif économique. Enfin, sur la question du plafonnement des indemnités, les Conseils de prud’hommes ont déjà leurs propres barèmes en fonction de l’ancienneté des salariés, barèmes qui peuvent varier d’un Conseil à l’autre d’ailleurs… N’oublions pas non plus que plus du tiers des CDI ne dépasse pas un an ! L’objectif de la réforme est, là encore, de donner plus de visibilité aux entreprises, surtout aux TPE/PME pour lesquelles les conséquences économiques d’une procédure peuvent être dramatiques pour leur santé financière et donc le maintien des autres emplois. Au final, il ne m’apparaît donc pas approprié de raisonner en termes d’avantage donné à l’employeur. »

 

« L’idée de la réforme est que la forme ne doit plus primer sur le fond »

 

Autre élément qui inquiète les salariés : un employeur ne pourra plus être condamné sur la forme si les prud’hommes lui donnent raison sur le fond…

« Devant tous les tribunaux, vous devez justifier d’un « grief » pour prétendre à des dommages et intérêts. Le Conseil de prud’hommes fait exception puisqu’il suffit aujourd’hui à un salarié d’invoquer un simple vice de forme pour obtenir des dommages et intérêts, parfois conséquents. L’idée de la réforme est que la forme ne doit plus primer sur le fond. Un artisan n’a ni les moyens d’avoir un service juridique en interne ni les connaissances suffisantes en droit du travail qui est une matière complexe. Au nom de quoi devrait-on le sanctionner lourdement pour une phrase manquante alors que le fond est incontestable ? La réforme met donc fin à cette exception ».

 

Faudrait-il aller encore plus loin en professionnalisant cette juridiction ?

« Les Conseils de prud’hommes sont aujourd’hui composés de deux conseillers salariés et de deux conseillers employeurs. Ce sont des juges non-professionnels qui ont l’expérience et la connaissance du terrain, ce qui peut être utile dans une matière où l’aspect factuel est primordial. S’ils n’arrivent pas à se mettre d’accord, c’est alors un magistrat professionnel qui tranche le litige. Ce système me paraît équilibré et c’est sans doute la raison pour laquelle la réforme actuelle du Code du travail ne le remet pas en cause. »

 

  Thierry RABILLER